Instantané N° 23 juin 2006
T1R2
Quelle douce récompense qu'une friandise après avoir joué à l'acrobate devant son maître ! Un régal pour les papilles du chien qui frétille d'impatience, mais un bien insipide trophée pour le chat. Présentez-lui donc une petite douceur, il s'en détournera dans une totale indifférence. Arrogance ? Goût prononcé pour l'indépendance ? Pas vraiment...
Cette attitude dédaigneuse, qui ne manquera pas de désarçonner les plus gourmands, a pour cause une unique protéine nommée T1R2. Elle n'est autre qu'une partie du récepteur du goût sucré, lequel va aiguillonner la perception de la saveur douce vers le cerveau. Le salé, l'amer, l'acide, l'umami -goût perçu essentiellement par les Asiatiques- sont reconnus également chacun par des récepteurs gustatifs spécifiques. L'ensemble de ces protéines se répartit dans les papilles à la surface de la langue.
Qu'a-t-il donc de particulier, ce récepteur du goût sucré ? Chez tous les mammifères, comme chez les humains par exemple, il est constitué de deux protéines assemblées, T1R2 et T1R3. Toutes les deux sont logées à la surface des cellules gustatives des papilles et traversent la membrane cellulaire à sept reprises. Cependant, lorsqu'on regarde de plus près, on constate que chez le chat, le guépard ou encore le tigre, le récepteur n'est pas entier. Il est en effet dépourvu de la protéine T1R2. Pourtant, ces félins possèdent toujours son gène, autrement dit la recette de ladite protéine. Mais le hic est que ce gène est défectueux, à tel point que la fabrication de T1R2 ne semble pouvoir aboutir. La conséquence est implacable. Sans T1R2, le récepteur alors incomplet ne fonctionne pas et prive tout simplement le chat de la perception sucrée de nombreux mets.
La perte de l'unique protéine T1R2 a un effet pour le moins surprenant, celui de changer le comportement alimentaire des félins. Aucune attirance pour le sucré chez ces carnivores. Cela ne signifie pas pour autant que les félins ne tolèrent pas le sucre ; ils en absorbent sous forme de glycogène dans la viande et l'utilisent comme ressource énergétique dans leur organisme. Toutefois, ce désintérêt pour le sucre n'est pas un trait spécifique à tous les carnivores. Les chiens ou les ours, par exemple, se damneraient pour un biscuit ou une lampée de miel. Alors, n'insistez pas auprès de votre chat avec une douceur qui vous semble irrésistible, c'est une affaire de protéines...
Lire aussi : "The taste experience"