Instantané N° 7 février 2005
Bêta-arrestine 2 et PDE4
Dans les années 60, une équipe de chercheurs de la compagnie Macfarlan Smith –leader mondial dans la production d’alcaloïdes opiacés – perdent conscience après avoir bu leur thé du matin qu’ils avaient remué, par inadvertance, avec une baguette contaminée. L’analyse de la baguette incriminée a révélé qu’elle était imbibée d’étorphine, un dérivé puissant de la morphine, employé aujourd’hui pour maîtriser les grands mammifères, tels que les éléphants ou les rhinocéros.
Ce n’est un secret pour personne que l’opium, extrait du pavot à opium, le Papaver somniferum, fut très populaire au XIXe siècle, non seulement pour apaiser les angoisses existentielles de certains artistes, mais aussi pour calmer des douleurs physiques d’origines diverses. La morphine fut extraite de l’opium pour la première fois en 1803 par un apothicaire allemand du nom de Friedrich Wilhelm Sertürner. Il la nomma Morpheus, en référence au dieu grec des songes, fils de la Nuit et du Sommeil. En effet, la morphine est un narcotique, qui agit directement sur le système nerveux central. Elle a des propriétés analgésiques, c’est-à-dire qu’elle soulage la douleur, mais elle affecte également les performances physiques et mentales, dissipe l’anxiété et induit un sentiment d’euphorie.
Les processus biochimiques impliqués dans les effets analgésiques de la morphine sont encore mal connus. La sensation de douleur est véhiculée par des molécules, appelées neurotransmetteurs, produits par certains neurones dans le cerveau. Or, quand la morphine active des récepteurs spécifiques sur ces neurones, elle bloque la libération des neurotransmetteurs et, en conséquence, atténue, voire abolit, la perception de la douleur. Récemment, une équipe de chercheurs basée à Genève a trouvé que l’interaction entre deux protéines, la bêta-arrestine 2 et la phosphodiésterase 4 (PDE4), contrôlait l’efficacité de la morphine. Si cette interaction est empêchée, par exemple en l’absence de béta-arrestine 2, l’activité de son partenaire PDE4 est affectée et l’activité inhibitrice de la morphine, donc son pouvoir analgésique, est augmentée.
Cette découverte ouvre de nouvelles voies dans la lutte contre la douleur. En effet, le soulagement de certaines douleurs sévères peut requérir des doses élevées de morphine, ce qui peut entraîner des effets secondaires graves. En agissant sur PDE4, l’efficacité de la morphine pourrait être augmentée, ce qui permettrait de diminuer les doses et de réduire ainsi sa toxicité. C’est un immense espoir pour les patients souffrant de douleurs chroniques.