Instantané N° 2 août 2004
Famille PAR bZIP
On pense souvent qu’en science les découvertes sont l’aboutissement d’un laborieux et méticuleux travail qui finit un jour par porter ses fruits. Bien au contraire, ce sont souvent de curieux et amusants hasards qui mettent les chercheurs sur la voie. Prenez par exemple la récente découverte du rôle inattendu de la famille de protéines PAR bZIP dans l’épilepsie. On la doit en réalité à l’équipe de nettoyage qui passe l’aspirateur dans l’animalerie du laboratoire du Prof. U Schibler de l’Université de Genève !
Les protéines de la famille PAR bZIP sont des facteurs de transcription : en combinaison avec d'autres facteurs de transcription et en réponse à différents signaux, ils décident quand un gène donné est exprimé, c'est-à-dire à quel moment l'information que contient ce gène sera utilisée pour fabriquer des protéines. A travers cette fonction, les trois membres de cette famille, DBP, HLF et TEF sont impliqués dans l’établissement des « cycles circadiens » : des cycles responsables des différences de rythmes que nos processus physiologiques connaissent au cours de 24 heures. Par exemple la température de notre corps, le taux d’hormones que nous produisons, ou encore notre fréquence cardiaque fluctuent en fonction du moment de la journée grâce à l’action de toute une série de protéines dites circadiennes.
Pour étudier en détail le rôle de DBP, HLF et TEF, les chercheurs de Genève décident de créer des souris chez qui ses protéines ne sont pas produites, car le gène permettant de les fabriquer a été enlevé. En conséquence, on remarque que l’espérance de vie de ces souris génétiquement modifiées est fortement diminuée, la moitié d’entre elles ne survivant pas au de-delà de deux mois. Curieusement, les chercheurs remarquent également que ces souris ont plus souvent tendance à passer de vie à trépas le lundi et le jeudi ! Quel processus biologique pourrait bien expliquer cette étrange observation ? Perplexes, les chercheurs enquêtent… et découvrent que c’est le lundi et le jeudi que l’équipe de nettoyage passe l’aspirateur dans l’animalerie… Quel rapport ? En fait, il s’avère que le bruit de l’aspirateur déclenche de graves crises d’épilepsie – souvent létales - chez les souris qui ne possèdent pas DBP, HLF et TEF ! Par la suite, on se rend compte que ces mêmes souris sont également sujettes à des crises spontanées sans le concours d’aucun bruit. Pourquoi ? Pour rendre une histoire longue très courte, disons qu’il semble que lorsque ces trois protéines sont absentes, un gène nommé PDXK ne soit pas exprimé dans le cerveau. Par conséquent la protéine correspondante n’est pas produite, ce qui serait indirectement à l’origine de crises d’épilepsie chez ces souris. Et ce qui est vrai pour les souris pourrait bien l’être aussi pour l’homme, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives pour la recherche dans ce domaine. Morale de l’histoire : il vaut peut-être mieux réfléchir à deux fois avant de passer l’aspirateur chez soi…